Le Cubimot

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La langue qui s’écrit a son ordre. On l'appelle l'orthographe. Mais l'enfant vient au monde. Il naît et naît au langage. Cet ordre n'est pas le sien. Le sien est le monde tel qu'il s'offre à lui. Il faut qu'il éprouve, qu'il vérifie. Ce qu'on lui propose, il faut qu'il le recréé.

De même, au long des époques, subsiste la nécessité de jouer, de provoquer les mots de la langue construite, d'élever un éternel concerto. S'en sert-on comme d'un bouquet, d'un univers florilège gracieusement offert à la barbarie des mœurs, d'un levier pour basculer les valeurs usées du monde.

Ce qu'a livré l'expérience du "Cubimot", son atelier, son espace d'animation et d'exposition avec ses outils légers, dans les lieux de l'Ecole Nationale des Bibliothécaires grâce à l'initiative du CNCBP, à Massy, n'est inspiré que par cet esprit de jeu, de création, de mise en forme de l'expression poétique.

Il s'est agi pour chacun des enfants, à partir d'une expression, de construire, au sens "réel" du terme, un livre. C'est un simple assortiment de cubes. On a habillé les faces des cubes d'un mot, d'une image unique et claire, emprunté au registre qui compose la vie; végétal, animal, musical, social. A ces données représentatives s'intègrent les structures et fonctions que distribue toute phrase: verbe, adjectif, nom.. .Les cubes-mots fabriqués ne sont que des supports. Le liant du sens reste à concevoir. L'expérience montre qu'un nombre limité de termes suffit à constituer la palette d'un langage au nuancier infini. Une quinzaine de cubes peuvent suffire.

Faire rouler les dés que deviennent les cubes, et ce faisant les mots, c'est faire rouler le langage. Circuler un sang joyeux, celui des conventions intellectuelles. "Jouer, c'est expérimenter le hasard" disait le poète allemand Novalis. Le jeu délivre le langage, ouvre l'imagination, "délie la langue".

Au sujet de l'image, Pierre Reverdy écrit en 1918: "L'image est une création pure de l'esprit. Elle ne peut naître d'une comparaison mais du rapprochement de deux réalités plus ou moins éloignées. Plus les rapports des deux réalités seront lointaines et justes, plus l'image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique."

C'est ce que chaque enfant qui s'est prêté avec joie aux règles de l'atelier de fabrication de livre au mois de février 1989, dans le cadre du bicentenaire de la Révolution, à l'occasion de l'animation POESIE REVOLUTION DES MOTS, a prouvé.

«L'art n'a pas besoin de certitude. Il n'a pas à se préoccuper de savoir ou il va. Il va vers son but de lui-même, parce qu'il est porté à s'élancer, à se déployer», disait Nietzsche. Là commence l'art. Les cubes mettent en rapport. L'enfant fait le reste. Le langage est en révolution. On fait de la poésie sans le savoir, mais c'est en toute conscience qu'on bâtit cette joie du soleil. Ainsi naît la création.

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